Sentimentalisme et Initiation

Certaines évidences valent parfois d’être rappelées, c’est ce que tente de faire ce petit texte.

L’idée de cet édito est née à la lecture d’un article de l’excellent  Dictionnaire de René Guénon, de Jean-Marc Vivenza, paru aux éditions du Mercure Dauphinois.

Voici ce que l’on peut y lire, à l’article « Sentimentalisme » :

Le Sentimentalisme est une tendance, propre au monde moderne, qui considère que le sentiment est ce qu’il y a de plus important dans l’être, que la sensibilité est ce qui constitue le signe de son élévation spirituelle ou tout simplement humaine.

De la sorte, on en vient à affirmer par l’effet d’une redoutable erreur que le sentiment doit être regardé comme supérieur à l’intelligence, ce qui est une manière d’exalter formellement « l’infra-rationnel », niveau le plus dangereux chez l’homme puisque c’est un domaine ouvert aux influences les plus suspectes.

Cette situation trouve certainement son origine dans la déviation moderne qui se focalise de façon étroite sur l’affectivité, oubliant que si le siège de celle-ci est bien le cœur, là où réside également l’intuition intellectuelle, néanmoins il s’établit souvent une grande confusion entre la chaleur animatrice de la vie qui a son séjour dans le cœur et la chaleur du sentiment qui n’est qu’une fausse lumière ; comme l’écrit Guénon, « de même qu’une flamme est d’autant plus chaude qu’elle est moins éclairante, le sentiment n’est qu’une chaleur sans lumière (…) ».

On aura donc soin, dans le cadre d’un cheminement initiatique comme dans celui de la vie profane, de ne pas accorder trop de crédit à l’affectivité, et de préserver l’éminence de l’intelligence pure qui elle seule appartient à l’ordre principiel.

Comment ne pas songer aux affligeantes péroraisons de la médiocrité, se gaussant de la connaissance au nom d’un « ressenti » émotionnel ?

Comment ne pas reconnaître le grand chant de la paresse, qui redoute tellement tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à une exigence ?

Car si l’Initiation n’est pas élitiste, elle est une voie élitaire, en ce sens qu’elle est exigeante, et que bien peu sont prêts à répondre, par leur engagement et par leur travail, à un tel appel.

C’est pourtant le prix à payer afin que, petit à petit, sous l’effet conjugué de la méditation des symboles et du partage du rituel, notre conscience puisse s’affranchir, précisément, des brumes du sentimentalisme pour atteindre à la lucidité, cette sœur de la Lumière !

Le F:. Pascal